A Propos de la Villa Médicis

Bernard Richebé Photographe
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Premier Pensionnaire photographe à la Villa Médicis, (ex prix de Rome). Bernard Richebé a vécu deux ans à la Villa Médicis, la plus belle demeure de la plus belle ville du monde.Pendant cent quatre-vingts ans, la Villa Médicis a ignoré la photographie. Le peintre Ingres, en ces lieux, avait prévenu de sa fascination sournoise: “La photographie est une si belle chose qu'il ne faut pas trop le dire". En janvier 1980, ce fut fait pour la prernière fois, l'Académie de France à Rome choisissait, parmi quarante candidats, un premier prix de Rome de l'image.C'était Bernard Richebé, qui allait jouer deux ans durant, en la plus belle demeure de la plus belle ville du monde, au jeu du jeune homme et du temps, chassant les instants suspendus dans l'éternité, captant les proies difficiles de l'éclairage et du hasard, des présences et des ombres.Dans ce palais du 16 ème siècle où un piano fut celui d'Achille-Claude Debussy (“Vous avez ici tout ce qu'il pour faut pour être heureux: du soleil, des arbres, des chefs-d'œuvre “), où le jardin à la française est un panorama romain, où la liberté est grande d'entrer et de sortir pour des promenades dans la ville (toutefois, Stendhal note au passage: “Les jeunes artistes établis dans la villa Médicis forment une oasis parfaitement isolée de la société romaine “), on ne devrait éprouver que le plus grand bonheur.Mais le spleen, même romain, existe. Et Berlioz de se plaindre: “ La vie casernée de l'Académie m'était de plus en plus insupportable“. Car la Villa Médicis, surtout lorsque Bernard Richebé la photographie au grand angle, a un côté, “L'Année dernière à Marienbad”, grandes pièces de réception, blanches et vides, toujours des housses dans les salons. Aussi le jeune photographe s'est-il attaché aux vigiles du temps qui reste: les employés de la villa, avec leurs rires et leurs vies, on les appelle les “camerieri”, ils sont une trentaine, aussi nombreux que les pensionnaires. Aux objets éclatants de sens: le piano de Debussy, la table d'hôte, la fenêtre de la chambre d 'Ingres, les statues dans l'herbe, la passerelle, la loggia pendant les concerts d'été.Au printernps, je rencontrai Bernard Richebé à Rome. J'étais venu par le Palatino, et nous parlâmes des trains, qui étaient aussi sa passion. Il me montra ses photos du Transsibérien, puis son travail sur les villes nouvelles, qui lui avait permis de concourir pour la villa Médicis. Dans la Ville éternelle, il me fit remarquer que les Italiens savaient se mouvoir avec grâce en foule, comme dans un film d'Eisenstein, bien que le cinéma soit l'art de ce qui est immobile, au contraire de la photo, qui est l'art du mouvement. Le premier prix de Rome de la photographie me raconta, en contemplant les statues équestres, que seule une série de photos avait pu démontrer qu'un cheval au galop ne vole jamais, et comment, malgré sa course ailée, il a toujours un sabot en terre.En prenant la villa Médicis pour modèle, Bernard Richebé a renoué avec une tradition. Autrefois, quand le séjour des prix de Rome durait cinq ans, peintres et sculpteurs faisaient des portraits, des bustes de pensionnaires, crayonnaient les salles, les jardins du palais. A sa façon, le photographe a témoigné. “Je suis un romantique, j'ai voulu photographier ces lieux avec des ciels surchargés, à la manière d'Abel Gance, sous l'inspiration duquel je travaille. J'aime les grandes ombres cernées au noir et, en chassant le blanc de l'image, je réserve l'éclairage à un objet unique”. Ses images ont été exposées dans notre capitale, à l'hôtel de Sully. A côté, des photos prises dans les sous-sols de Paris par Nadar, le grand oiseau de bon augure.GONZAGUE SAINT BRIS.